Le Docteur Juhel-Voog est intervenue à l’occasion de l’enquête parlementaire sur la fibromyalgie. La vidéo de son audition est notamment disponible en ligne sur le site de l’assemblée.
Elle y a défendu sa vision de la fibromyalgie et présenté un certain nombre de pistes de travail.
Le Dr Juhel-Voog officie en médecine interne au Mans et préside l’association Hyssopus.
- Que prescrivez-vous à vos patients ?
Je prescris un régime pauvre en sucres fermentescibles (FODMAP) depuis maintenant environ 4 ans aux patients fibromyalgiques, sans pour autant négliger les autres traitements d’ailleurs, sauf si rien n’a fonctionné ce qui est malheureusement souvent le cas.
Ce régime doit absolument exclure le gluten de façon stricte (sinon pas d’effet sur les douleurs dans la plupart des cas).
Les produits laitiers sont aussi évités de façon stricte au départ et peuvent être réintroduits de façon très prudente dans un deuxième temps quand le patient va mieux. Beaucoup de patients y sont extrêmement sensibles mais certains arrivent à en reprendre un petit peu sans être trop gênés. Pour les patients ayant de gros troubles digestifs je leur propose aussi d’éviter au moins au début les fruits et légumes fermentescibles ou de les prendre en petites quantités pour se faire une idée de leur propre tolérance.
Il faut aussi revoir toute l’ordonnance car les excipients à base de lactose et de gluten sont très fréquents.
- Quel est le protocole de soins que vous avez mis en place ? Avec quels résultats ?
Les patients viennent en hôpital de jour le matin à jeun et bénéficient d’un test respiratoire au glucose (ou au lactulose notamment chez les diabétiques). Ils ont une prise de sang complète (carences vitaminiques, diagnostic différentiel, anticorps anti transglutaminases afin d’éliminer une maladie cœliaque) et rencontrent la diététicienne. Si une pullulation microbienne digestive est dépistée (lorsque la prise de sucre provoque très rapidement une production de gaz), ils sont mis sous antibiotiques puis probiotiques en plus du régime.
Quand le régime est bien fait, on constate d’abord une amélioration digestive puis sur les douleurs. La fatigue est beaucoup plus longue à s’atténuer.
Nous avons fait une étude préliminaire sous la forme d’un questionnaire adressé à 78 patients consécutifs ayant eu un test respiratoire en hôpital de jour dans le cadre d’une fibromyalgie et mis au régime. Les résultats (provisoires) sont encourageants :
- 28 questionnaires exploitables nous ont été adressés
- 89% des malades ont vu leurs douleurs s’améliorer avec le régime
- 57% ont un soulagement supérieur à 50%
- Près de la moitié des malades ont également été améliorés sur le plan digestif, du sommeil, du moral et des activités.
- Quatre patients ont repris une activité professionnelle
- 21 patients ont remarqué une recrudescence des douleurs lorsqu’ils faisaient une entorse au régime
- Seulement 1 patient sur trois considère que ce régime n’a rien changé pour lui alors que 4 patients considère qu’il a changé leur vie et 59% qu’il les a partiellement ou nettement améliorés
Nous considérons que ces résultats préliminaires sont très encourageants. Nous attendons d’autres retours de questionnaires.
- Médicalement, sur quelles bases assoyez-vous votre travail ?
Nous pensons pour notre part que la surproduction de gaz digestifs peut expliquer la plupart de ces symptômes. D’ailleurs quand les patients sont bien équilibrés, ils constatent souvent lorsqu’ils font une entorse que les premiers symptômes à apparaître sont les ballonnements.
- A quoi relier cette surproduction ?
Pour le gluten, il y a trois façons d’être intolérants :
- Ce qu’on appelle classiquement l’intolérance au gluten, c’est la maladie cœliaque, au cours de laquelle le gluten déclenche une production d’anticorps qui détériorent la muqueuse intestinale. Cette maladie peut conduire au décès si un régime d’exclusion strict n’est pas réalisé. Elle est diagnostiquée par une recherche d’anticorps dans le sang et une biopsie de l’intestin grêle par fibroscopie gastrique (qui montre une atrophie de la muqueuse intestinale)
- L’allergie au blé est beaucoup plus rare.
- Depuis quelques années, les experts se penchent sur une nouvelle entité que l’on appelle la sensibilité non cœliaque au gluten : les patients présentent des symptômes digestifs et extra-digestifs qui s’atténuent lorsqu’ils arrêtent le gluten et qui reviennent lorsqu’ils en reprennent. Un groupe d’experts internationaux s’est constitué en 2012 pour essayer de comprendre ce phénomène, considéré comme fréquent (peut être 2 à 5% de la population), et qui serait plus qu’une simple mode.
Bien qu’une équipe espagnole ait trouvé un taux élevé de malades cœliaques dans une population fibromyalgique, nous n’avons pour notre part dépisté aucun patient cœliaque depuis 4 ans. Nous sommes donc, dans le cadre de la fibromyalgie, en présence de cette nouvelle entité nommée « sensibilité non cœliaque au gluten ».
Pour le lactose, […]