Assez rapidement après le diagnostic de la fibromyalgie, j’ai eu le besoin d’en apprendre plus sur la maladie de manière à mieux la connaître pour mieux l’apprivoiser.
Aussi, après quelques recherches, je suis tombée sur un superbe livre-témoignage de 122 pages, auto-édité en 2016, rédigé par Virginie Zakarian Clave, Fibromyalgie – Ce que vous voyez, ce que je ressens.
Je n’ai pas tergiversé longtemps pour me décider à acheter ce livre au vu des nombreux avis positifs trouvés sur Internet à son sujet. Généralement, les fibromyalgiques, ou les personnes atteintes de maladies invisibles, ont tendance à se retrouver dans ce texte, à se sentir comprises et légitimes.
J’ai lu un témoignage poignant, agrémenté d’images magnifiques réalisées par Alison Bounce, qui m’a fait nettement grandir.
En effet, à force de se confronter au regard de l’autre, souvent lourd de reproches, on finit par douter de soi, de l’importance de nos douleurs, fortement invalidantes, et l’on se dévalorise en pensant que nous ne sommes que des “chochottes” trop à l’écoute d’une bobologie que l’on minimise. Mais, non. Je ne somatise pas.
Nos souffrances sont bien réelles, nous sommes plusieurs à avoir le même vécu et le témoignage de Virginie Zakarian Clave m’a permis de prendre mesure du fait que je ne suis pas une “malade imaginaire”.
“Dame Fibro” fait de nous des prisonniers d’un corps qui ne nous appartient plus mais ça n’empêche qu’il faut aller de l’avant
On rencontre aussi à travers cet ouvrage, touchant de vérité, une histoire pleine d’optimisme remplie d’espoir et de volonté, loin du pathos et de la plainte. On partage le parcours d’une jeune femme qui a décidé de vivre non pas “malgré” la maladie mais “avec” la maladie, en visant la paix et la sérénité. Ainsi, avec détermination et courage, Virgnie se (re)construit différemment et s’adapte à “Dame Fibro”.
De fait, j’aurais tendance à conseiller ce beau livre aux proches des malades atteints de fibromyalgie en guise de sensibilisation dans l’idée de les aider à comprendre nos maux / mots, cet invisible si déstabilisant.
En même temps, les fibrosceptiques pourraient aussi plonger un peu le nez dans un tel livre, ça leur permettrait d’arrêter les jugements à l’emporte-pièce.
S’ajoute à ce formidable témoignage des pistes de réflexion en vue d’un soulagement ; il est question des médecines alternatives qui apaisent sans imposer de dommages supplémentaires au corps en souffrance.
En toute bienveillance et générosité, Virginie a accepté avec beaucoup de gentillesse d’accorder de son temps pour répondre à quelques questions. Je l’en remercie énormément.
Tu souffres de la fibromyalgie depuis tes 26 ans, peux-tu nous raconter ton parcours avec la maladie ?
J’étais une jeune célibataire, pleine de vie, toujours en mouvement, et du jour au lendemain plus rien. J’ai eu une infection virale qui a évolué en péricardite (épanchement d’eau autour du cœur) et mes douleurs sont apparues d’une manière violente. J’étais épuisée et j’avais la sensation d’être tabassée jour et nuit. Je ne dormais plus et je ne pouvais plus rien faire.
J’ai été prise en charge rapidement à l’hôpital et ont suivi des mois d’examens, d’essais de traitements qui ne me soulageaient pas. Et, neuf mois plus tard ma doctoresse m’a parlé de fibromyalgie. Le diagnostic fut confirmé par deux spécialistes lyonnais.
Au départ, j’étais heureuse et soulagée que l’on trouve enfin de quoi je souffrais. Ma désillusion fut intense, lorsque j’ai compris que ce n’était qu’un nom. Que celui-ci était (et est toujours) chargé de préjugés et de méconnaissance, et qu’il me fallait apprendre à vivre avec cette maladie.
J’ai décidé d’arrêter tous les traitements qui étaient insupportables à cause des effets secondaires et qui m’enfermaient dans un corps de douleurs plutôt que de m’en sortir.
Pendant des années, la colère a été mon moteur. J’étais rentrée en guerre contre la maladie. Je m’employais à ne pas la laisser décider de ma vie, de mes possibilités et je me suis épuisée dans ce duel, car je perdais à chaque fois. La vie a fait son chemin et m’a apporté son lot de bonheur avec la naissance de mes deux poupées mais cela m’a aussi emmenée dans des difficultés intenses de « maman fibro ». Je devais utiliser mon énergie autrement et je devais gérer quelqu’un d’autre que « dame fibro ». Il m’a fallu vivre des épreuves, des injustices et redéfinir mes choix pour trouver des solutions. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, le temps m’a permis un travail de deuil de ma vie d’avant. Je ne regarde plus en arrière en me demandant « pourquoi ? », mais je regarde l’avenir en me disant « pourquoi pas ! ».
La maladie ne m’impose plus ses limites, elle est un indicateur de mes possibilités. Je l’écoute et je me respecte. Aujourd’hui j’ai accepté qu’elle faisait partie d’un tout et qu’en lui laissant sa place, elle en prenait moins du coup !
Je suis devenue ma priorité, je suis à mon écoute, je m’accepte.
Je suis imparfaite mais parfaitement moi.
Quel est ton quotidien en tant que maman fibromyalgique ?
Je vais être honnête, ce n’est vraiment pas facile. Je suis maman de deux poupées de 5 ans et 3 ans, pleines d’énergie, de ressources, de voix et de vie !
La gestion du quotidien est une organisation souvent chamboulée par l’humeur de “dame fibro” et de mon état de fatigue.
Je me repose un maximum lorsqu’elles sont à l’école. J’ai redéfini mes souhaits. J’ai souvent employé beaucoup d’énergie à maintenir une maison impeccable, être une mère au foyer exemplaire et ce rôle n’était pas adapté à ma réalité.
J’ai finalement pris du recul et je me suis déculpabilisée. Je ne suis pas une mère au foyer, je suis une maman malade. Et j’apprends à procrastiner, cela me fait un bien fou.
Aujourd’hui, je me sens moins coupable avec les filles.
Je leur explique la maladie, mes possibilités et mes limites. Je préfère un moment de qualité avec elles. Les instants partagés sont intenses et harmonieux.
J’ai enfin accepté que pour pouvoir être pleinement avec elles, il était primordial que je prenne soin de moi.
Pourquoi écrire un livre sur la fibromyalgie ?
J’ai vécu des situations qui ont été de réels traumatismes et c’est une situation de trop qui m’a amenée à écrire ce livre témoignage.
Je ne voulais plus qu’aucune personne souffrant de fibromyalgie puisse vivre ce genre de situation.
J’avais cette rage de montrer au monde entier ce qui se passait en moi, témoigner de cette intense souffrance qui est invisible.
J’avais cet espoir de permettre aux gens de comprendre ma souffrance, mes difficultés. D’arrêter de me juger et de me cataloguer et plutôt d’ouvrir leurs esprits et leurs cœurs et ainsi offrir aux malades le respect, la tolérance et l’aide dont ils ont besoin.
L’une des problématiques la plus importante pour un fibromyalgique est de gérer l’image que les autres peuvent avoir de sa personne du fait que la pathologie est invisible. Est-ce pour cette raison que ton livre-témoignage fait une part si belle aux magnifiques photos d’Alison Bounce ?
Lorsque j’ai décidé d’écrire le livre, j’ai voulu proposer un livre différent de ceux qui existaient déjà.
Je voulais un livre qui toucherait le plus grand nombre. Certaines personnes sont sensibles aux mots d’autres aux images, en faisant ce choix d’illustrer le livre, je me donnais l’opportunité de faire comprendre la maladie d’une manière différente et propre à la sensibilité de chacun.
J’ai donc demandé à la photographe Alison BOUNCE si elle était d’accord pour réaliser des photos dans le but de représenter la maladie. Elle a accueilli ma proposition, et c’est quelques mois plus tard qu’elle m’a proposé de faire une séance de photos dans l’eau.
J’ai accepté, car je suis extrêmement touchée par le travail artistique d’Alison depuis des années, et je savais que les photos seraient intenses de réalité, puisque l’eau est un élément qui me fait souffrir.
J’étais consciente que la maladie serait présente et que je n’avais qu’à laisser vivre ce qui se cache au plus profond de moi.
Toujours dans cette dynamique, tu t’es lancée dans un beau projet : celui de rendre visible l’invisible grâce aux talents de divers artistes. Tu accepterais de nous en dire plus à ce sujet ?
Une fois le livre publié, je me suis imprégnée d’une nouvelle énergie que tout était possible et que je n’avais plus rien à perdre.
Je me suis donc offert l’opportunité de contacter différents artistes qui m’émouvaient, et je leur ai demandé s’ils pouvaient m’aider dans ma démarche de rendre visible l’invisible de la maladie, et de créer des œuvres autour de la fibromyalgie. […]