Tout d’abord, j’aimerais me présenter: je m’ appelle Emmanuelle, j’ ai 43 ans, je suis pacsée et j’ habite à Nice.
Pour vous raconter rapidement mon histoire avec la maladie: j’ai commencé à sentir une fatigue chronique s’installer il y a une dizaine d’années. A force de chercher ce qui n allait pas, on m a diagnostiqué une thyroïdite d ‘Hashimoto en 2010 et une spondylarthrite ankylosante en 2011.
Ce n’est que dans un deuxième temps, en 2013, que la fibromyalgie a été diagnostiquée par mon rhumatologue car d’une part, je n’allais pas mieux malgré l essai de nombreux traitements anti-inflammatoires différents et d’autre part, les différentes techniques de radio et la biologie n’expliquaient pas l’intensité de mes douleurs et de la fatigue profonde ressentie.
Je suis pharmacien depuis 18 ans mais l’ année dernière mes problèmes de santé ont abouti à un licenciement pour inaptitude.
Mes journées jusqu’à il y a peu étaient rythmées presque uniquement par mes rendez-vous médicaux, les taches ménagères quotidiennes et la résolution de problèmes administratifs liés à ma santé.
Pour essayer d aller mieux, depuis 2013, j’ ai essayé pas mal de thérapies et autres pistes hygiéno-diétetiques : médicaments, massages, étirements, balnéothérapie, cryothérapie, rTMS (ondes magnétiques basse fréquence), réflexologie, yoga, cures thermales , évictions alimentaires, etc…mais mon corps a toujours été dans la résistance.
Seule la cryothérapie a eu des effets positifs sur mes douleurs et certains blocages articulaires, mais de façon très fugace, et au prix de beaucoup de fatigue supplémentaire lors des cures.
Mais depuis 2 ans j’ ai l’ intime conviction que la solution à mes problèmes de santé je dois la trouver non pas grâce à une aide extérieure comme je l’ espérais jusqu’alors (en multipliant les rendez- vous médicaux) mais à l’intérieur de moi-même.
De plus, au fil de mon parcours, il m’ est apparue clairement que la maladie s’est développée suite à une accumulation d’événements traumatisants et d’émotions refrénées.
Et j’ ai été confortée dans cette idée quand je me suis aperçue qu’une activité liée à l’expression corporelle et émotionnelle me faisait beaucoup de bien. Cette activité, c’est la Biodanza*.
Mon premier contact avec la biodanza a eu lieu de façon fortuite alors que j’effectuais un week-end de plongée sous-marine sur une île en face de Cannes avec des amis. Il y avait alors avec nous dans l’ enceinte fortifiée de cette belle île d’autres participants à des stages divers.
J’avais tout de suite été intriguée par la façon dont les participants de ce stage de “biodanza” se tenaient par la taille pendant les repas au réfectoire, distribuant de nombreux bisous aux voisins…et ouverts aussi à notre curiosité!
Ils nous ont ainsi expliqué que la biodanza était une discipline de partage et nous ont, par la même occasion, invités à leur fête musicale organisée le soir même sur l’île.
Quand on est arrivés dans cette soirée, je me suis rapidement rendu compte que tous les codes des soirées dansantes habituelles étaient absents, que chacun s’exprimait avec son corps de façon plus ou moins dynamique mais surtout très expressive et qu’il n’y avait aucun jugement sur la façon de danser de chacun. ça avait l’air d’un grand “n’importe quoi” mais il y avait une harmonie magique entre tous les participants. Quelle liberté et quelle joie émanait de cette activité!
C’est ensuite une amie qui m’a reparlé de cette activité qu’elle pratiquait depuis quelques mois et qui l’avait libérée au niveau émotionnel, si bien qu’il lui était même arrivé de pleurer au court d’une séance.
Cela a alors piqué ma curiosité, moi qui était consciente d’être émotionnellement totalement bloquée et comme emprisonnée dans mon corps.
J’ai ainsi contacté diverses associations ou centres qui proposaient cette activité dans ma ville. Il y avait alors peu de groupes existants qui étaient adaptés pour les débutants et dont les horaires étaient compatibles avec ma fatigue: impossible par exemple pour moi d’envisager un cours à 20 heures le soir!
J’ai donc atterri dans un cours organisé dans un service hospitalier en cours d’année. Il y avait déjà un groupe constitué d’une demi-douzaine de personnes qui se connaissaient et quelques personnes supplémentaires qui changeaient au fil des semaines. Mais j’ai été accueillie de façon très simple et avec beaucoup de chaleur et d’intérêt, ce qui m’ a d’ abord surprise mais finalement beaucoup touchée.
Au préalable, le facilitateur ou la a facilitatrice (c’est comme ça qu’on appelle la personne qui dirige la séance de biodanza), contactée au téléphone, m’avait présenté rapidement la biodanza et m’avait demandé comment je me trouvais avec mon corps et comment j’étais à mon aise dans le contact avec les autres.
Moi je me suis toujours sentie gênée dans mon corps: aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été timide et en public je ne savais jamais quoi faire de mes mains!
Depuis que j’ai ces problèmes de santé et en particulier la fibromyalgie, je suis tellement mal à l’aise avec mon corps que j’ai l’impression d’être un esprit enfermé dans un corps.
La séance se déroule toujours selon le même schéma: chacun se présente à tour de rôle par son prénom, la facilitatrice demande ensuite à chacun comment il se trouve physiquement et s’il fera la plupart des exercices debout ou assis, en fonction de ses capacités du jour.
Puis elle présente brièvement la biodanza pour les nouveaux participants et à partir de ce moment là il est proposé de ne plus parler pour laisser pleinement le corps et le cœur s’exprimer sans les interférences liées aux discussions entre les participants.
La biodanza m’a ainsi été présentée comme la “danse de la vie”: c’est un processus de développement humain (avec soi-même et avec les autres) qui utilise simultanément la musique, le ressenti et le mouvement.
Les musiques utilisées appartiennent au patrimoine culturel musical mondial et sont sélectionnées pour produire un éventail de sensations et d’émotions positives et stimuler un mouvement cohérent.
Les séances consistent en l’enchaînement d’exercices corporels que la facilitatrice nous propose de réaliser en musique. La réalisation des exercices est libre et chacun s’exprime à sa manière, sans aucun jugement et dans la mesure de ses capacités.
La facilitatrice présente le thème de la séance: ça peut être l’identité, la créativité, l’ouverture au monde, etc…
Il y a toujours une période lente en début et en fin de séance, et un coeur de séance plus dynamique.
On commence souvent par une ronde où on se tient les mains et où on se met en mouvement petit à petit au rythme de la musique, et on finit souvent également par une autre ronde où l’on chante sur la musique.
Certains exercices sont réalisés sur le mode du jeu ou du mime pour favoriser l’expression corporelle et la créativité.
Quand la musique s’arrête entre 2 exercices la facilitatrice nous incite à nous concentrer sur notre ressenti en plaçant nos mains sur la poitrine pour sentir l’effet de la musique sur notre corps.
Après ma première “vivencia” (c’est comme ça qu’est appelé l’ensemble cohérent d’exercices préparé à l’avance par le facilitateur), j’étais lessivée,et mes douleurs avaient même augmenté mais je me suis tout de suite sentie plus souple au niveau des articulations et plus légère: comme libérée d’un poids; et lors des séances suivantes j’ai senti de moins en moins le poids de la fatigue et les douleurs s’étaient envolées!
Le contact avec les autres est un peu déroutant au début, mais ensuite il rassure et on le recherche.
L’exercice qui m’a le plus ému c’est celui qui s’appelle ” la caresse des mains”: en petits groupes de 4 ou 5, sur une musique douce, on forme un petit cercle, on ferme les yeux, on met tous ses mains au centre du cercle et on laisse bouger délicatement nos mains au milieu de celles des autres…et je dois dire que c’est divin! ça me provoque toujours autant de frissons à chaque fois qu’on le fait et je ressent un partage infini.
J’ai encore des progrès à faire dans mon rapport aux autres et à moi-même mais la biodanza m’a libérée de pleins de choses, notamment des regards extérieurs, de la honte et surtout de mon propre jugement. J’apprends également à mieux individualiser mes émotions et à les accepter; je sorts petit à petit de ma carapace…
Le cours de biodanza auquel je participe depuis quelques mois est un peu particulier dans le sens où il a été créé au sein d’une unité de médecine physique et réadaptation hospitalière et il accueille donc des gens qui ne sont pas tous valides: il y a des personnes avec des déficits moteurs et cognitifs divers suite à AVC, chutes, accidents de voiture, etc…ce n’est pas forcément facile à vivre émotionnellement de voir d’autres personnes physiquement en difficulté, mais je pense que pour moi ça a été une aide supplémentaire pour que je casse cette barrière entre moi et moi: tous les participants m’ont transmis leur énergie et leur volonté d’avancer.
Mon copain ne comprend pas pourquoi “je m’impose ce contexte médical”: en fait, c’est arrivé comme ça mais quelque part ça m’ a rassurée aussi car dès ma 1ère séance la facilitatrice était sensible à mes limitations médicales et elle module la séance en fonction des incapacités de chacun: je n’ai pas été “poussée dans le grand bain” sans qu’on m’apprenne à nager.
Aujourd’hui je pense que ce contexte médical a été un plus: quelque part ça a été un accélérateur pour que “je sorte de ma coquille”: en effet, ça m’a donné du courage de voir qu’il y avait des personnes plus affaiblies que moi physiquement qui avaient le cœur de s’exprimer et puis voir ces visages réjouis à la fin des séances me met vraiment du baume au cœur! Cette activité est réellement un moteur de vie pour moi!
Dans l’optique également de faire quelque chose pour aller mieux, il y a 1 an, j’avais commencé la méditation “mind fullness” (méditation de pleine conscience): ces séances qui sont notamment basées sur la respiration m’apaisent et me permettent de prendre du recul par rapport aux événements mais la biodanza, elle, m’apporte vraiment une approche différente de celle que j’avais avec mon corps: elle m’apporte une sorte de réconciliation , me donne petit à petit confiance dans mes capacités et mon apparence physique et je me rends compte que ce corps est encore capable de m’apporter du plaisir et pas seulement manifester de la douleur. Et surtout que je ne suis pas obligée uniquement de subir les manifestations de ce corps: que je peux aussi agir avec lui de façon apaisée et le laisser évoluer librement avec moins d appréhension.
En quelque sorte, je suis beaucoup moins dans le contrôle.
La biodanza m’a permis de dédramatiser aussi la relation à l’autre (j’ai ainsi moins peur des gens en général) et aussi d’une certaine façon de me délester du poids du passé: depuis que je pratique cette activité, j’ai notamment réussi à me défaire de tous les habits que j’accumulais chez moi depuis mon adolescence et dont je ne me servais plus. C’est tout bête mais je n’arrivais pas à me détacher du vécu associé à ces vêtements et donc je n’arrivais pas à passer le cap de les donner ou de les jeter.
Tous les participants du groupe auquel j’appartiens sont unanimes pour dire que la biodanza leur a ouvert le champ des possibles. Un petite fée (c’est à dire une personne en formation qui aide les personnes à mobilité réduite et peut également proposer des démonstrations pour les exercices) m’a confié également récemment que depuis qu’elle faisait de la biodanza elle avait perdu 15 kilos!
Je suis loin de faire tous les exercices dans la facilité et notamment les sessions de mimes me mettent encore un peu mal à l’aise mais il y a une émulation dans le groupe et la musique porte vraiment aussi: ça m’a aidé à me rendre compte que je possédais une capacité de création qui était enfouie à l’intérieur de moi et j’ai commencé à avoir moins honte de mon hypersensibilité.
Ma facilitatrice, Frédérique, a elle aussi un “handicap”: elle vit depuis sa naissance avec une difficulté motrice. Sa pratique régulière de la biodanza lui a permis de modifier totalement son rapport au corps et elle est vraiment resplendissante!
Au delà de la gentillesse des participants, c’est grâce à elle que j’ai été motivée pour continuer à aller à ce cours au delà de la première séance: je me suis dit que “j’avais envie d’avoir ce qu’elle avait”, c’est à dire sa joie de vivre et son émerveillement de tous les instants sur la nature, la vie, les échanges humains et le partage.
Elle peut d’ailleurs témoigner comment progressivement, grâce à cette pratique elle a senti le plaisir du mouvement supplanter la douleur physique et la limitation. Et comment, grâce au soutien de son groupe de biodanza, elle a eu l’envie de transmettre et partager cette expérience.
Cette pratique a été créée dans les années 1960 par Rolando Toro Araneda, anthropologue, psychologue, poète et humaniste chilien (1924-2010) lors de ses travaux de recherche au centre d’étude d’anthropologie médicale de Santiago du Chili.
La biodanza est présentée comme une approche psycho-corporelle qui utilise comme outils la musique et le mouvement dansé. Elle propose des danses individuelles, à 2 ou en groupe, sur des musiques du monde entier.
Elle invite à relier la perception, la motricité et l’affectivité. C’est à dire qu’elle nous invite à nous mettre en mouvement à partir des émotions et des ressentis suscités par la musique.
La biodanza favorise l’expression et le développement des potentiels et des talents innés de chacun.
En biodanza, il ne s’agit pas d’apprentissage, il s’agit juste de retrouver le plaisir du mouvement chacun en fonction de ses possibilités.
Dans les exercices, le toucher, mais aussi le regard peuvent être mis à contribution.
Sa pratique régulière et son processus visent à augmenter la joie de vivre, la vitalité, à renforcer l’identité et l’estime de soi et la capacité à lâcher prise. Chaque exercice a d’ailleurs un sens particulier.
Elle permet aussi de réduire le stress, de mieux gérer son émotivité et sa sensibilité. Elle nous permet d’enrichir nos rencontres et de vivre des relations plus harmonieuses et plus authentiques.
Elle réhabilite la connexion à la vie, le plaisir de vivre, la créativité existentielle et l’intelligence du coeur.
La biodanza est une méthode d’actualisation de l’identité et des potentiels humains qui s’appuie sur les forces de vie dans la personne et le groupe, lequel fonctionne comme un environnement enrichi et stimulant ; elle ne se présente donc pas comme une thérapie, même si elle peut avoir des effets qu’on pourrait qualifier de thérapeutiques chez certains participants en lien avec une identité qui devient mieux intégrée et plus épanouie.
Dans un pays comme le Brésil où elle est pratiquée largement et de longue date avec de nombreuses applications dans le champ social et auprès des populations démunies, elle bénéficie d’une reconnaissance récente du Ministère de la Santé (depuis le 28 mars 2017) qui s’inscrit dans l’intégration de certaines techniques comme médecines traditionnelles ou pratiques intégratives complémentaires aux soins, selon les recommandations de l’OMS (mettre en note : stratégie Organisation Mondiale de la Santé actualisée pour 2014 – 2023).
Les études sur la Biodanza sont plutôt expériencielles et observationnelles et peu d’études ont été menées selon une méthodologie scientifique rigoureuse. Néanmoins, plusieurs études à petite échelle ont été effectuées en Europe au cours des dernières années afin d’évaluer l’éventuelle efficacité de la méthode en contexte de soin.
Selon une étude menée par le département d’activité physique et de sports de l’École des sciences sportives, Université de Grenade en Espagne : 3 mois de pratique de la Biodanza à raison d’une session par semaine a démontré une amélioration significative du seuil de déclenchement de la douleur, de la répartition de la masse corporelle et une diminution des impacts de la fibromyalgie chez les patientes de sexe féminin8.
Egalement, une étude menée en France par un groupe de recherche en psychologie (La Biodanza : une technique médiatisée intégrative Présentation et éléments d’évaluation) conclut que : « Globalement la pratique de la Biodanza amène une amélioration significative de l’image du corps en ce qui concerne la désirabilité sociale, l’accessibilité, de satisfaction et d’activité corporelle. Tous ces aspects sont corrélés dans la littérature (Bruchon-Schweitzer, 1986) à une bonification: d’une part, de l’adaptation générale (satisfaction envers soi, identité sexuelle affirmée, estime de soi positive, extraversion); d’autre part, de l’adaptation émotionnelle (accessibilité, proximité, affects identifiés et décrits) »9.
La Biodanza est aujourd’hui pratiquée dans plus d’une quarantaine de pays, avec plus de 2500 professeurs, principalement en Amérique latine et en Europe, mais aussi au Canada, aux États-Unis, en Afrique du Sud et au Japon. Elle se pratique également dans les écoles, en hôpital, dans les entreprises et organisations. Elle peut être associée à d’autres pratiques dans des applications et extensions comme “biodanza pour femmes enceintes”, “biodanza pour enfants et adolescents”, “biodanza pour toxicomanes”, “biodanza et voix”, “biodanza et massage”, “biodanza et argile”, “biodanza et couleurs”, “biodanza et neurosciences”, etc.
J’espère que mon témoignage apportera une lueur d’espoir à ceux qui cherchent encore une fenêtre pour sortir de la maladie.
Cette activité est celle qui m’a permis de sortir de ma chrysalide; à chacun de trouver celle qui lui correspond et lui permettra de trouver sa vraie identité et de s’épanouir au grand jour.
Si vous souhaitez plus d’informations sur la Biodanza :
Au niveau national: vous pouvez consulter le site de la Fédération des Professionnels de Biodanza France.