Dans cet article, nous allons vous démontrer comment les statistiques concernant la fibromyalgie sont minimisées, voire inexistantes à travers la codification des pathologies utilisée dans notre système de santé.

Pourquoi s’attacher à ce point précisément ? Car codifier une pathologie permet d’en retirer des statistiques au niveau national et de ces statistiques, nous pouvons faire un état des lieux de l’ampleur de la pathologie et peuvent en découler des mesures adéquates. Sans cela, sans cette base, nous resterons invisibles.

A. La codification

  1. Les établissements hospitaliers

Il y a quelques jours, nous publions un article concernant le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information). Il est utilisé dans les établissements hospitaliers pour la mise en œuvre de la tarification à l’activité (T2A – Système de rémunération des hôpitaux, basé sur leur activité).

La codification d’une pathologie via le codage CIM10 de celle-ci permet son rattachement un groupe homogène de malades, pour lequel est défini un tarif, la rémunération que percevra l’établissement hospitalier.

Schéma de rémunération des établissements hospitaliers

Le code CIM10 de la Fibromyalgie est le M79.7, mais selon le diagnostic retenu, une multitude de codes peuvent être utilisés :

F45.4     Syndrome douloureux somatoforme persistant R52.18  Douleurs chroniques irréductibles, autres et non précisées F32.2     Épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques Z51.2     Autres formes de chimiothérapie Z61.8     Autres difficultés liées à une enfance malheureuse R52.2     Autres douleurs chroniques F32.1     Épisode dépressif moyen M25.50 Douleur articulaire – Sièges multiples F33.2     Trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques M47.86 Autres spondylarthroses – Région lombaire M25.5   Douleur articulaire Z56.6     Autres difficultés physiques et mentales liées à l’emploi F32.9     Épisode dépressif, sans précision F33.1     Trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen M35.0   Syndrome de Gougerot-Sjögren R52.10  Douleur neuropathique R52.9     Douleur, sans précision M99.89 Autres lésions biomécaniques – Abdomen et autre

E55.9     Carence en vitamine D, sans précision etc.

Lors de l’audition de la CPAM par la commission d’enquête concernant la fibromyalgie, les représentants de la CPAM ont confirmé le fait qu’il n’y avait pas de codification des pathologies faites par les médecins de ville, mais uniquement des actes (par médecins de ville, entendez « médecins hors domaine hospitalier »). Les médecins de ville pour un tas de raisons, pourraient le faire, mais ne le font pas (faute de temps, pour ne pas coller une étiquette sur quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas etc…).

La CPAM est elle aussi amenée à codifier des pathologies, notamment au moment des arrêts maladies par exemple, ou lors des demandes d’ALD. La codification dépend évidemment du motif indiqué par le médecin délivrant l’arrêt au patient (« syndrome douloureux persistant », « douleurs neuropathiques », « troubles dépressifs récurrents », « fibromyalgie » etc.). Quand on connaît la réticence des médecins à écrire le mot « fibromyalgie » sur les arrêts ou demandes d’ALD, bien souvent pour éviter aux patients d’être refoulé par la CPAM, on comprend pourquoi la CPAM ne recense que 1000 demandes d’ALD pour « fibromyalgie » en 2015 (avec un refus de 50% d’entre-elles, un taux bien supérieur à la moyenne d’après les dire des représentants de la CPAM.

Suite aux échanges que nous avons eu avec le médecin conseil national de la CPAM, le professeur Luc Barret, celui-ci nous indique que la CPAM codifie la fibromyalgie avec le code M79.0 – Rhumatismes sans précisions et que la HAS doit rendre ses recommandations afin de juger si il est opportun d’utiliser le code M79.7 – fibromyalgie pour codifier la pathologie (réponse de politique ça…, pourquoi noyer une pathologie dans quelque chose de très flou alors qu’un code existe pour codifier celle-ci depuis bien longtemps ?)

B. Les freins à la codification 

La difficulté du diagnostic pour la fibromyalgie est une réalité de par sa nature, c’est un diagnostic par exclusion d’autres pathologies pouvant engendrer les mêmes symptômes que la Fibromyalgie. Le diagnostic par les points de Yunus sont trop simplistes et n’ont que peu de crédit auprès de la communauté médicale. Ce n’est qu’en l’absence d’autres diagnostics que l’on arrive à la conclusion que l’on ne sait pas ce que vous avez, et que certains « diagnostiquent » alors la fibromyalgie ou ne se prononcent même pas.

Les médecins, bien souvent pour nous éviter des déboires, n’écrivent pas le mot « fibromyalgie » sur les arrêts maladie, ou les demandes d’ALD, cela contribue aussi à minimiser les statistiques (si tant est qu’il en est).

Un certain nombre de médecins pensent que la fibromyalgie est une « pathologie » poubelle dans laquelle on met ce qu’on a pu expliquer (on se souvient du Pr Even qui indiquait que la fibromyalgie était une maladie inventée par les laboratoires pour s’enrichir, alors que la plupart des molécules qui nous sont prescrites sont dans le domaine public…).

Chacun y va aussi de sa théorie, les métaux lourds, les infections froides etc.

Les croyances personnelles impactent la codification et le diagnostic (et le traitement) que ces médecins nous collent.

  1. L’absence de recherches étoffées

Les laboratoires de recherche publics sont en partie financés par les crédits budgétaires des universités, des organismes de recherche publics et des agences de financement, dont l’Agence nationale de la recherche (A.N.R.).

Il faut savoir qu’en France, les projets de recherche sont financés (ou pas) en fonction de leurs chances d’aboutir et dans les domaines de l’innovation (c’est bien d’être innovant c’est tendance, « la France, terre d’innovation en santé »…).

De manière plus concrètes, les recherches sur la fibromyalgie sont pour 99,99% d’entre-elles réalisées à l’étranger, pour une bonne partie aux Etats-unis et au Canada. Ces recherches sont bien souvent réalisées avec de petites cohortes fautes de moyens suffisants mais donnent des pistes très intéressantes. Le domaine de recherche est lui très vaste face à la multitude de symptômes dont nous souffrons.

Une expertise collective de L’INSERM est en cours, elle consistera en la compilation et l’analyse des recherches dans le domaine de la fibromyalgie, la finalité sera d’émettre des recommandations concernant la prise en charge de la fibromyalgie en France. Cette expertise collective devrait être publiée fin 2017.

L’absence de consensus concernant la fibromyalgie dans le domaine médical découle essentiellement de ce manque de recherches, aujourd’hui personne n’est capable d’affirmer les causes de cette pathologie, d’où l’errance médicale et l’absence de diagnostic « crédible » dans bien des cas.

C. Pourquoi codifier ?

Codifier pour exister aux yeux des pouvoirs publics

Il faut que les médecins hospitaliers et les médecins de ville codifient notre pathologie, qu’un consensus soit trouvé pour l’utilisation d’un code commun utilisé par les acteurs de la santé afin que nous puissions apparaître de manière significative en terme de statistiques.

Codifier pour pouvoir chiffrer les coûts

Pouvoir évaluer le nombre de personnes souffrant de la fibromyalgie en France sur des chiffres concrets et non sur des estimations basées sur la prévalence dans d’autres pays permettrait de chiffrer dans un premier temps les coûts que la fibromyalgie engendre pour les différents acteurs de santé, et dans un second temps, pouvoir chiffrer la mise en place et la prise en charge de protocoles de soins adaptés entre autres.

D. Conclusion

La  fibromyalgie (quand elle est diagnostiquée) n’est codifiée qu’au cours d’une hospitalisation, nous n’apparaissons qu’à ce moment-là. Mais combien d’entre nous ont été diagnostiqué lors d’une hospitalisation ?

Pour informations, il y a eu 800 diagnostics de Fibromyalgie utilisant le code M79.7 via hospitalisation en 2016…

La sous-évaluation de la fibromyalgie en France est une réalité et nous empêche d’avancer au niveau des pouvoirs publics pour la prise en compte de l’importance du développement de cette pathologie. C’est pour cela que nous devons travailler dans ce sens afin d’harmoniser la codification, afin de demander que les médecins de ville, qui sont bien souvent amenés à diagnostiquer eux aussi les pathologies, le codifient.

Aujourd’hui nous avons énormément avancé en terme de démarches et de porter aux yeux de tous l’existence de la Fibromyalgie. Maintenant, au-delà de la maladie, nous devons porter aux yeux de tous, les malades eux-mêmes et nous nous retrouvons face à des obstacles de taille, parfois des murs. Ces murs il faut les démonter pierre par pierre et c’est ce que nous allons nous attacher à faire.

Très prochainement, le collectif d’associations Fibro’actions vous sollicitera pour répondre à un questionnaire sur la codification, la façon et par qui votre diagnostic a été posé, afin de pouvoir en extraire des chiffres concrets pour entamer ses démarches auprès du ministère, du CNOM et de la CPAM.