Pour rappel, un groupe de parlementaires a accepté de s’intéresser enfin à la fibromyalgie de manière plus énergique que de poser de simples questions à la Ministre de la Santé (questions sans réponses pourrait-on presque dire).

Le résumé des travaux de la commission, les vidéos des auditions et leurs transcriptions, sont disponibles sur le site de l’assemblée nationale.

La commission a été créée le 10 mai 2016, et le rapport écrit voté à l’unanimité des parlementaires présents le 12 Octobre 2016. Le rapport sera rendu public le 18 du même mois. Il n’est pas possible, au moment où sont écrites ces lignes, de détailler le contenu du rapport d’enquête parlementaire. Les titres des propositions et le discours tenu en conférence de presse sont  néanmoins accessibles.  Une première analyse est donc possible, vous la trouverez ci-dessous.

1/ Substituer le mot maladie au mot syndrome dans la terminologie utilisée par les autorités sanitaires.

Cette proposition comporte 2 grands risques, mais sa valeur symbolique est puissante, très puissante.

  • Premier risque, soulever une fronde  des médecins fibro-sceptiques qui nient jusqu’à la réalité de la fibromyalgie. Mais on dit que les si chiens aboient,  la caravane passe quand même.
  • Second risque, que les médecins posent ce diagnostic et en restent là. Or il est très facile de déclarer une fibro et de ne plus se préoccuper de chercher plus loin. Au risque de manquer un truc grave: sclérose en plaques, maladie de crhon, maladie de Lyme….
  • une valeur symbolique forte, qui met en avant non seulement la reconnaissance de la maladie (ou que j’aime le dire, maladie), mais permettra de débloquer toute une série de mesures évoquées après. Au-delà du symbole fort, il faut évaluer cette proposition à l’aune de celles à suivre.

2/ Accentuer l’effort de recherche clinique

Sujet très ardu, mais faisant avec la proposition 1 la moelle épinière du rapport. La commission d’enquête a très bien compris que l’on ne peut pas lutter contre un adversaire invisible, inconnu, ou (et)  que l’on refuse de voir (cf. proposition N°1). Comment lutter contre ce que l’on ne voit pas, ne peut pas voir, refuse de voir. Un effort puissant doit en effet être fait en ce sens.

3/ Reconnaître la médecine de la douleur comme spécificité universitaire à lier avec la proposition 4 d’intégrer une formation spécifique à la fibromyalgie dans les programmes de formation continue des médecins. 

Une proposition qui va dans le bon sens, notamment celui de la ministre de la Santé qui a fait de la lutte contre de la douleur une priorité pour les hôpitaux de France.

Une proposition à la fois utile et bien vue, je dirais même « moderne » si la France n’avait pas autant de retard en la matière, et qui indique clairement que les médecins sont des alliés dans cette lutte, même les sceptiques.

5/ Diffuser les tests de diagnostic existants via le site de l’assurance maladie, et les logiciels d’aide à la prescription.

Nous sommes nombreux à penser que ces tests sont insuffisant, là encore le risque est grand de passer à côté de quelque chose de plus grave en termes de pronostic vital. Gageons que cet écueil sera pris en compte.

En revanche, ils ont le mérite d’exister même s’ils sont perfectibles. Par-dessus tout ils permettront enfin de donner aux médecins un outil diagnostic officiel. C’est peut-être là le premier coin enfoncé dans cette honteuse loterie médicale que nous connaissons tous, notamment face aux médecins conseil de la CPAM, et un premier pas vers une égalité de traitement.

Qui n’a jamais eu envie de se jeter sous un bus après les violences psychologiques subies lors d’un entretien (un monologue le plus souvent) avec un médecin « expert » ?

6/ Diffuser l’annuaire national des structures de douleur chronique

Ca ne mange pas de pain, encore faudra-t-il que ces structures cessent de fermer faute de moyen. Plus ça va plus cet annuaire national devient léger. C’est fort dommageable. Espérons que cette mesure incite les responsables à maintenir des structures en état de fonctionner.

7/ favoriser le développement des programmes d’éducation thérapeutique

Très bien car cela va induire une définition des programmes de soins, des prises en charge médicamenteuses, et donc on peut le penser d’un panier de soins. Le panier de soins une fois quantifié permettra de définir les conditions d’octroi d’une ALD.

8/ Intégrer l’expertise de l’INSERM aux diagnostics territoriaux

Ne pas le faire serait déclarer que cette expertise serait inutile. Dont acte : la complémentarité de ces actions crée une synergie bienvenue, et rend grotesque la prise de position de Fibromyalgie France. Pour mémoire cette association pionnière dans la lutte pour la reconnaissance de la maladie voue aux gémonies ce travail parlementaire depuis le début (enfin dans le dos des députés, jamais en face d’eux*) pour des raisons qui échappent à la compréhension de beaucoup.

*L’audition de Fibromyalgie France dans le cadre de l’enquête parlementaire est disponible sur le site de l’assemblée nationale. Les attaques de cette association contre l’enquête sont toutes disponibles sur leur site.

9/ Définir un modèle de plan personnalisé de santé coordonnée

Même analyse que pour le 7ème point. Indispensable et en lien avec les propositions qui suivront.

10/ publier les résultats de certaines expérimentations menés dans les centres de la douleur

On préfère dire « centre de lutte contre la douleur ». Là encore, la part belle est faite à la recherche et à la valorisation des initiatives.

11/ publier les résultats de l’évaluation de la mission de coordination des structures d’étude et de prise en charge de la douleur chronique

Comment imaginer qu’une évaluation nationale d’une telle nature puisse être gardée confidentielle ? Le gouvernement souhaite t’il cacher certaines choses, du genre un bilan catastrophique ?

Il est primordial de pouvoir évaluer la politique de santé actuelle dans ce domaine, même si l’on regrette une fois de plus que la fibromyalgie n’est pas que de la douleur. Le rapport oublie t’il la problématique de l’épuisement permanent ou des troubles fonctionnels digestifs (entre autres) ? Il faudra pouvoir le lire in extenso pour répondre à cette question.

Se focaliser sur le seul « facteur douleur » serait une erreur, mais il faut aussi reconnaître que les problèmes de sommeil ou les troubles digestifs n’ont pas la chance d’avoir une mission de coordination. On prend aussi ce que l’on a.

12/ réactiver le 4ème plan national de lutte contre la douleur.

Sans doute faut-il comprendre : revoir les dotations financières liées à la lutte contre la douleur, qui ne font que baisser et transforment ce plan de lutte en une simple déclaration d’intentions ?

L’argent est le nerf de la guerre. Une personne fibromyalgique bien prise en charge coûte moins cher que celles abandonnées à leur sort.

13/ mettre en place un parcours de soins

En lien direct avec les propositions 1 et la 17 : le parcours de soins implique une reconnaissance, des recommandations de bonnes pratiques… etc.

La présence des associations et des malades sera indispensable si l’on veut un résultat aussi satisfaisant que possible. Quand on voit les publications actuelles en ce domaine, il est à craindre qu’en période de restriction des dépenses, on nous envoie  juste aggraver notre cas dans des salles de sport.

En revanche, si l’idée d’une aide au paiement de l’adhésion à un club sportif habilité pouvait sortir de cette proposition, ça serait une bonne chose.

14/ mettre en place un forfait de coordination dans le cadre du parcours de soins

Donner plus d’argent aux médecins s’occupant de suivre une personne fibromyalgique,  pour faire simple, via une valorisation spécifique du prix de la consultation, voire peut être du prix d’une séance de kiné. Là encore il  va falloir attendre d’en savoir plus.

Voilà en tous cas une bonne façon de motiver le corps médical et d’inciter à nous déclarer malades de la fibromyalgie (cf. la proposition 1, notamment).

15/ mettre en place une tarification couvrant les soins ambulatoire 

On dirait la déclinaison du point 14 au profit des soins effectués en cabinet de ville, en dispensaire, centres de soins ou lors de consultations externes d’établissements hospitaliers publics ou privés.

16/ Inclure la fibromyalgie dans la liste des pathologies complexes

Encore un peu la même chose : majorer le prix d’une consultation chez le généraliste. Une redite des points 14 et 15 ? Peut-être les propositions 14 à 16 sont-elles séparées afin que si le législateur en refusait une, cela ne bloque pas les autres ?

17/ assurer une égalité de traitement des personnes fibromyalgiques au régime de l’affection longue durée

Du lourd, on attend tous ça pour différentes raisons depuis des années pour la fibromyalgie seule. En lien avec la notion de panier de soins puisque une fois évalué les besoins et ce qu’ils coûtent, on pourra définir le seuil d’obtention ou non  d’une prise en charge complémentaire.

Un pas de plus vers la fin de la loterie médicale ? La balle est dans le camp de la Haute autorité de la Santé. Ici aussi le rôle des associations et des malades devra être primordial pour ne pas avoir une « égalité par le bas ».

18 /assurer une égalité de traitement des personnes fibromyalgiques auprès des maisons départementales des personnes handicapées

Même chose mais pour les MDPH, qui elles ne se basent pas sur un diagnostic médical mais une évaluation du handicap. Le volet « handicap social » devra être pris en considération, Au travail les associations !

19/ Diffuser les recommandations de la HAS

Nul n’est censé ignorer la loi. Les médecins ne doivent pas avoir d’excuse s’ils ne nous traitent pas bien (ou plutôt : hors du cadre défini aux points 17 et 18).

20/  saisir la HAS de la définition du panier de soins complémentaires adaptés

Extrêmement intéressant. Irait-on vers la prise en charge (sans doute forfaitaire) des soins complémentaires et non médicamenteux ? Aura-t-on le droit à une aide au paiement des séances de sport, de psychologue, de sophrologue, etc… ?

Quand on connaît le prix de ces soins non médicaux, cela pourrait être une sacrée bouffée d’oxygène pour nos budgets compressés.

Pour conclure :

Le rapporteur a souligné le fort consensus des personnes interrogées pendant les auditions publiques, médecins et associations.

De plus, notre cause a été une occasion rare pour des personnes politiques de tous bords de travailler de façon éclairée et consensuelle, loin des querelles de clocher. En fait, c’est tristement auprès des associations de malades que le consensus n’aura pas été trouvé. C’est une chose à méditer.

Le travail d’enquête de l’association Fibromyalgie SOS a été salué également en conférence de presse ce mercredi 12 Octobre. Il est vrai que ce travail relativement unique en son genre a permis de mettre des chiffres sur ce que les autorités refusaient de voir. Il semble qu’un certain nombre de futurs médecins s’en servent pour leur thèse de doctorat. Prévoyions donc encore d’autres belles surprises, que les pensées évoluent, et que de moins en moins de médecins ne trouveront d’alliés pour nous maltraiter dans leurs cabinets.

L’analyse des points du rapport, en attendant l’obtention du texte intégral, est de bon augure. Difficile d’y trouver à redire, même s’il ne s’agit que de propositions, et qu’il faudra bien trouver des responsables pour les rendre concrètes. Même Fibromyalgie France, très critique sur les méthodes qui auraient été utilisées (sans pour autant préciser plus avant son analyse au moment où ces lignes sont rédigées), devrait y trouver la satisfaction de voir des années de luttes récompensés et une telle accélération de la dynamique de reconnaissance.

C’est notre cas : jamais sans doute la cause des personnes fibromyalgiques n’aura été éclairée de façon aussi vive aux yeux du public et des représentants du peuple.

« Fibromyalgie magazine » souhaite ici publiquement remercier du fond du cœur :

  • M le député-maire Carvalho, rapporteur et moteur de cette commission,
  • Mme Bulteau, présidente de la commission,
  • Tous les membres de la commission d’enquête pour leur implication et leur bienveillance, ce dans un contexte politique très chargé au moment des auditions (vote de la loi dite «  El Khomri »),
  • M Desmoulins, attaché parlementaire de M Carvalho, qui a toujours pris le temps de répondre à nos questions, et ce avec une grande gentillesse.

Nous comptons sur leurs énergies communes  à voir ce rapport mis en application concrètes.

Auteur : Olivier M.